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Jean-Pierre Abel-Rémusat (1788–1832) |
nudité peut-être trompeuse; les dentelures des rivages, l'enchaînement des montagnes, les sinuosités des rivières, le groupement des îles, que des ornemens trop souvent arbitraires: on pourra, sans rougir, emprunter les descriptions, soit verbales, soit figurées, qui seront fournies par les naturels; et, en appréciant les témoignages de ceux-ci, d'après la connoissance qu'on aura pu acquérir d'ailleurs de leur habileté ou de leur exactitude, s'en servir pour enrichir la science dans les parties que nos voyageurs n'ont pas encore suffisamment éclairées par euxmêmes. Si l'on ne savoit que l'attention et la patience peuvent suppléer à tout, on auroit peine à concevoir la précision des résultats auxquels parviennent les Asiatiques, privés des secours que la géométrie prête à fa géographie. Les grandes cartes de la Chine, dont le P. Martini a fait la traduction, sont antérieures de deux siècles au travail des jésuites mathématiciens; et cependant, chose remarquable, l'opération de ces derniers n'a occasionné aucune réforme capitale dans la position respective des villes de ce grand empire. Il seroit assurément fort utile de posséder le relevé particulier des côtes, qui est conservé dans les archives de chaque province du littoral de la Chine. De long-temps les Européens n'auront la permission d'entreprendre les travaux qui pourraient le remplacer; et quand on sauroit en exécuter quelques parties à la dérobée, on ne pourrait encore se passer des connoissances locales que les naturels sont seuls en état de recueillir. Un peuple qui, quoique disciple fidèle des Chinois, montre moins de préventions contre les notions qui ne sont point nées dans son sein, les Japonais, en adoptant la méthode de graduation et de projection, dont les cartes Européennes leur fournissoient le modèle, semblent s'être acquis des droits particuliers à notre attention, quand ils ont appliqué ces instrumens précieux à la représentation de leur propre pays ou des contrées voisines. La grande carte du Japon, composée de cette manière, et réimprimée avec des corrections, en 1744 ( 49 pouces 1/2 sur 31), est un magnifique monument géographique. M. Titsingh, ancien ambassadeur à la Chine, avoit rapporté de Nangasaki plusieurs exemplaires de cette carte; et c'est vraisemblablement d'après cet excellent modèle, que M. Arrowsmith a tracé les côtes du Japon, dans sa carte d'Asie. Il est à regretter que, faute de pouvoir lire les noms écrits en japonais ou en chinois sur l'original, cet estimable géographe ait été forcé de se borner à reproduire les divisions et le peu de détails marqués par Kaempfer. Je possède moi-même un exemplaire sur lequel M. Titsingh a écrit à la main des chiffres servant |
de renvois à une table des noms japonais qu'il avoit sans doute rédigée, et qui a dû se trouver jointe à quelque autre exemplaire de la même carte. Il seroit fâcheux que ce travail important, ainsi que les autres ouvrages historiques et géographiques que la mort a forcé M. Titsingh de laisser imparfaits, demeurassent dans l'oubli, sans utilité pour le public, et sans profit pour la gloire de l'auteur. Un autre ouvrage également rapporté en Europe par M. Titsingh, et qui, depuis sa mort, est tombé en ma possession, est une description des pays voisins du Japon, publiée à Yedo en 1785. Cette description est en japonais, et accompagnée de cinq cartes, moins belles, à la vérité, que la grande carte dont je viens de parier, mais dessinées encore avec beaucoup de soin, et soumises à la graduation. Voici la notice des objets qu'elles contiennent: 1.° La carte générale des pays voisins du Japon, représentant le Kamtchatka, la terre de Yeso, l'île Tchoka, la côte de Tartarie, la presqu'île de Corée, la côte de la Chine jusqu'à Formose, les îles du Japon et les Lieou-khieou, avec un autre groupe d'îles sur lesquelles je reviendrai dans un instant; 2.° La carte particulière de Yeso, avec la partie voisine du continent, et la pointe septentrionale du Japon. Cette carte offre des détails curieux pour toute la partie méridionale de Yeso, souvent visitée et dépendante dès-lors des Japonais. Le nord est moins chargé de noms, et l'on y voit la trace des efforts que les géographes japonais ont faits pour concilier leurs propres connoissances avec les notions qu'ils ont empruntées aux Européens sur l'île Tchoka, l'embouchure de Sakhaliyan-Oula, &c.; 3.° La carte de la Corée. On sait que celle que d'Anville a fait entrer dans son Atlas, rédigée par le P. Régis, n'a pour base que les descriptions qui furent données à ce missionnaire par des Chinois et des Mandchous. On peut donc s'attendre à trouver entre les deux cartes de très-grandes différences. Celle des Japonais est très-détaillée et paroît fort exacte: la distinction des villes capitales et secondaires, des bourgs, forteresses, campemens, &c., est soigneusement marquée par des signes particuliers; la distance des principales villes aux capitales de chaque province, est exprimée en journées de chemin. Malheureusement les noms y sont écrits en chinois seulement, à l'exception des capitales, où l'on a ajouté le nom japonais: par-là on n'a pas encore les noms du pays, que la prononciation coréenne doit rendre assez différens des autres; 4.° La carte des îles Lieou-khieou, Madjikosima et Thaï-wan, |
avec celles de la pointe sud-ouest du Japon. Le nombre des îles qui composent ces différens groupes, est bien plus considérable que dans nos cartes les plus récentes, même dans celle qui a été dressée en 1809, d'après le journal du Frédéric de Calcutta. Les distances entre les principales, et les routiers, depuis le Japon jusqu'au continent chinois, sont marqués en ri, ou milles japonais; 5.° Enfin, la carte d'un petit archipel qui n'a pas de nom sur nos cartes, ou plutôt qui n'y a pas encore trouvé place. Les Japonais, qui paroissent fort bien connoître ces îles, les nomment Bo-nin Sima, îles inhabitées, non qu'elles soient de nos jours effectivement privées d'habitans, mais parce qu'elles l'ont été long-temps à leur connoissance, et que ceux qu'elles contiennent aujourd'hui, sont des colons venus, à une époque connue, de la pointe S.E. de Ni-fon. Comme la plupart des géographes ne placent point d'îles en cet endroit, et que ceux qui en mettent, le font d'après des données vagues et insuffisantes, j'ai cru qu'il seroit utile de recueillir celles que les Japonais nous transmettent; elles portent un caractère d'exactitude qui doit leur mériter quelque attention. Il peut s'y être glissé quelques erreurs de détail, mais il est impossible que le fond n'en soit pas généralement vrai. C'est aux voyageurs qui visiteront ces mers, à nous apprendre jusqu'à quel point on peut compter sur les relations des Japonais, et à vérifier, si j'ose ainsi parler, cette découverte, faite à Paris, d'un nouveau groupe d'îles dans la mer orientale. Ce n'est pas que depuis long-temps les voyageurs et les géographes n'aient été avertis de l'existence de ces îles, et qu'on n'ait eu à leur sujet quelques notions confuses, dès le temps des premières navigations dans ces parages. Si les îles des Volcans, découvertes par le vaisseau le San-Juan, en 1544, sont, comme on a tout lieu de le penser, l'île de Soufre du troisième voyage de Cook, l'île inhabitée que le même vaisseau trouva trente lieues plus loin vers le N.E., et que la relation de Galvaom nomme Forfana, doit avoir fait partie de notre groupe. La carte espagnole, que l'amiral Anson prit en 1743 sur le galion d'Acapulco, plaçoit en cet endroit les îles de Saint-Alexandre, Farallon, Todos los Santos, et un groupe sans nom que, tout récemment, M. Brué a reproduit sur ses cartes, avec cette note dictée par une sage réserve: Iles dont l'existence est douteuse. Celle dont M. de la Pérouse eut communication à Monterey, joignoit à l'île Saint-Alexandre celles de Fortuna, du Volcan, de Saint-Augustin, et un groupe tout-à-fàit correspondant au nôtre, sous le nom d'Islas del Arzobispo. Ces îles de l'Archevêque, |
considérées par M. Tuckey (1) comme formant la pointe septentrionale des Mariannes, et par Zimmermann (2) comme pouvant se rapporter au Grampus de Meares, ont eu un sort varié sur les cartes modernes. Quelques géographes français les ont conservées avec leur nom. M. Arrowsmith les avoit supprimées sur sa carte d'Asie; il les a figurées dans sa mappemonde, sous la forme d'un petit groupe ponctué sans nom; et dans sa grande mappemonde en huit feuilles, il y a joint, d'après le voyage du Nautile, en 1801, les îles Disappointment et Moore, qui correspondent aux extrémités S.O. et N.E. des îles Bo-nin. Enfin, depuis G. Delisle, presque tous les géographes ont conservé des îles Saint-Roch, Saint-Thomas, Saint-Mathieu, qui peuvent avoir fait partie des iles Bo-nin, et qui doivent avoir été vues par Fondrac dans lé voyage qu'il fit en 1709, de Macao à là Californie, sur le vaisseau français le Saint-Antoine de Pade (3). Ces différentes données n'ont pas semblé assez exactes pour admettre, comme étant démontrée; l'existence d'un groupe d'îles en cet endroit. Je crois qu'on en jugera différemment en les voyant complètement confirmées par les Japonais. Pour achever de faire voir que la description donnée par ceux-ci n'est en rien contraire à ce que nous apprennent nos navigateurs les plus modernes, rappelons en peu de mots la route qu'ont tenue les plus célèbres dans les mers du Japon. Le Castricom, après avoir fait le tour de l'île Fatsisio, ne descendit point vers le midi audelà de l'île Bleue. La Résolution, revenant du Kamtchatka en 1779, prit la position de l'île de Soufre et d'une autre île très-élevée qui en étoit éloignée d'environ huit lieues vers fe nord, et qui peut-être répond à l'une des plus méridionales de notre groupe. Le capitaine Meares dut en passer très-près en 1788; mais, depuis le 25.º parallèle, ce navigateur eut une brume continuelle, et si épaisse en certains momens, qu'il étoit impossible d'apercevoir les objets d'un bout à l'autre du vaisseau. Néanmoins, vers le point qui répond aux îles Bo-nin, il rencontra les oiseaux de terre, les herbes et les autres signes que les marins ont coutume de regarder comme l'indice du voisinage de la terre. Colnett, en 1789, passa au nord de Fatsisio; Broughton suivit la même route en 1796,, et revint l'année suivante en serrant de plus près la côte de Ni-fon. L'amiral Krusenstern, en 1804, prit son chemin au midi, mais à une petite distance de Fatsisio; sa route en 1805 fut, dans la longitude dé nos îles, aussi méridionale que celle de (1) Maritime Geography, t. IV, p. 15. — (2) Australien in hinsicht der Erd-Menschen und Rodaktkùnde [sic], u.s. w. — (3) Miguel Venegas, Noticia de la California, p. IV, app. V. |
la Résolution. On voit que tous ces navigateurs ont passé, les uns trop au nord, les autres trop au midi, pour avoir pu rencontrer les îles Bo-nin. Dans l'espace que leurs routes laissent entre elles, se trouvent en cet endroit sept degrés de latitude qui n'ont pas été reconnus, et qui suffisent, et au-delà, pour contenir tout l'archipel décrit par les Japonais. Kaempfer est jusqu'ici le seul auteur qui ait recueilli quelque chose de leur relation; mais ce qu'il en dit est si inexact, qu'il n'a été possible d'en tirer aucun parti:
Il y a, comme on le verra bientôt, beaucoup de choses inexactes dans ce récit; et d'ailleurs la position de l'île découverte y est si vaguement indiquée, que, sans de nouveaux renseignemens, il eût fallu renoncer à en faire usage. C'est ce qu'a pensé M. Burney, dans son grand et magnifique ouvrage sur l'histoire de l'Océan pacifique, où, après avoir rapporté le passage de Kaempfer, il ajoute: "Il serait inutile de faire aucune conjecture sur la situation de cette île, si ce n'est que les milles étoient probablement la mesure hollandaise, de 15 au degré. Les écrevisses de quatre à cinq pieds de long étoient des tortues (2)." Ce qu'un auteur aussi habile et aussi profondément versé dans ces matières a jugé impossible, le seroit sans doute pour tout autre; et je n'aurois jamais songé à examiner ce point de géographie, si le hasard n'eût fait tomber entre mes mains la carte originale dont j'ai parlé, ainsi que la description qui s'y rattache. Je vais faire usage de l'une et de l'autre pour étendre et rectifier le récit de Kaempfer. En premier lieu, ce savant voyageur ne parle que d'une>seule grande (1) Liv. I, ch. 4. — (2) A chronological History of the voyages and discoveries in the South sea and Pacific Océan. |
île, et le géographe japonais en compte 89, dont la plus grande ne surpasse pas en étendue l'île de Fatsisio. La relation du voyageur allemand place l'île découverte par les Japonais à 300 milles à l'est de Fatsisio, et sembleroit se rattacher aux anciennes fables débitées sur les îles d'Or et d'Argent, que l'opinion commune plaçoit dans cette direction. La description originale met les îles Bo-nin précisément au midi de Fatsisio, à la distance d'environ 80 lieues, ce qui au reste confirme et justifie l'une des conjectures de Kaempfer. Enfin le nom de Bunesima est corrompu: il falloit écrire Bo-nin sima, et c'est ce mot qui signifie îles inhabitées, ou littéralement îles sans hommes. Pour rendre plus intelligible la description que je vais extraire en la traduisant du japonais, j'y joindrai le calque d'une partie de la carte générale, qui comprend, outre le nouvel archipel, la côte méridionale du Japon et les îles Lieou-khieou, de manière à faire voir la situation respective des îles. Je n'ai pas cru devoir rien corriger ni rien ajouter à l'original, même en faisant usage de nos connoissances; j'ai mieux aimé qu'on pût juger, de celles des Japonais; et le seul changement que je me sois permis, c'est d'étendre sur la surface de la carte la graduation qui, dans l'original, n'est marquée que sur le cadre. On voit par-la que l'espace occupé par toutes les îles réunies, s'étend du 25.e au 29.e parallèle, ce qui est d'abord peu vraisemblable, en opposition avec le calcul général des distances, et avec la carte particulière où les latitudes sont marquées sur les deux îles principales. Cette dernière carte offre aussi des différences quant à la configuration et à la position des îles: j'ai, dû les conserver aussi, et j'ai placé comme développement, à côté de la carte générale, un extrait de la carte particulière, qui paroît mériter plus de confiance. Il est probable que la première distance, celle qui est prise de Fatsisio, doit être, à peu de chose près, exacte, et que les erreurs de la carte générale viennent de ce que le géographe n'a pas su réduire et renfermer son dessin dans les limites qui lui étoient prescrites. Cette circonstance explique aussi pourquoi le capitaine Gore et l'amiral Krusenstern n'ont pas, depuis l'île de Soufre, aperçu et reconnu tout le groupe des Bo-nin. C'est que ces dernières ne s'étenden: pas an midi jusqu'au 25.e parallèle, comme j'ai été forcé de le représenter, pour me conformer à mon original (1). (1) Voici un calcul approximatif qui concilie pleinement les données fournies par le géographe japonais: Fatsisio, d'après Broughton et les Japonais, 33° lat.; — distance jusqu'a la première île Bo?nin, 180 ri ou 80 lieues; -- distance non_marquée, jusqu?à l'île du Nord, et largeur des îles intermédiaires, 25 lieues environ; — |
La plus méridionale des îles japonaises, du côté de l'Orient, est, suivant Kaempfer, l'île de Fatsisio, où sont relégués les criminels d'état. Sur la carte que je possède, la couleur verte, affectée aux possessions japonaises, est étendue à quelques îlots situés au S.E. de Fatsisio, et dont le principal est Ardo-sima ou l'Ile-bleue. De Fatsisio au premier îlot marqué de la couleur rouge, c'est à-dire, appartenant au groupe des îles inhabitées, la distance est évaluée à 180 ri, ce qui fait environ 80 lieues, vers le sud. De là, il y a 8 ri jusqu'au second îlot, puis 7 jusqu'au troisième, puis 3 jusqu'à une île qui n'a point de nom particulier, quoiqu'elle ait 5 ri de tour: cette dernière est montagneuse et très-boisée. Au midi est une autre île pareillement boisée, de 7 ri de tour, et sur la côte occidentale de laquelle se trouve un ruisseau d'eau douce. On peut, de là, passer dans l'île principale, nommée île du Nord, et dont le contour fort irrégulier est évalué à 15 ri, ou 7 lieues et demie. A la partie orientale est un temple dédié aux Esprits. Du côté du nord, la côte s'avance en suivant une chaîne de montagnes, au couchant de laquelle est situé le Grand-village: cette habitation n'a pas d'autre nom. Vers le milieu de l'île, sur la côte septentrionale, est un autre village nommé O-moula. Le reste du pays est couvert d'arbres et de plantes précieuses, à l'exception d'un terrain carré et plane, de quatre ting d'étendue, à la pointe occidentale. O-moula est situé à la latitude de 27 degrés et demi. De l'île du nord à celle du sud, on compte 20 ri. Celle-ci a 10 ri de tour, et se trouve précisément sous le 27.e parallèle. Elle est presque par-tout montagneuse et couverte de très grands arbres, excepté vers le sud, où se trouve une plaine découverte. Au midi et au sud-est sont deux autres îles, dont l'une a deux ri, et l'autre trois de tour; toutes deux sont couvertes d'arbres. Outre ces îles, il y en a quantité d'autres dont on ne marque ni l'étendue ni la distance relative. La plupart sont couvertes de bois, et plusieurs n'offrent que le sommet d'une montagne très-élevée. Le nombre des îles dites inhabitées est de quatre-vingt-neuf, tant grandes que petites. La description japonaise en compte deux grandes, quatre de grandeur moyenne, quatre petites. Le reste n'a point de désignation île du Nord, latitude suivant la route japonaise, 27° 30'; — distance jusqu'à l'île" du midi, 20 ri, près de 10 lieues; île du midi, latitude suivant la même carte, 27° — Quelques îlots situés plus au sud sont à une trop petite distance de cette dernière, pour que le groupe entier puisse être supposé s'étendre au-delà de 26° 30'. Sur la carte, on a marqué eh chiffres arabes là distance des principales îles entre elles, et en chiffres romains la circonférence de chacune d'elles, exprimée en ri d'environ 50 au degré. Ces évaluations sont prises sur la carte particulière japonaise. |
particulière, et ne consiste qu'en écueils ou en rochers très-élevés, tels que ceux que nos navigateurs ont remarqués dans toutes ces mers. Suivant la même description:
c'est-à-dire, pour y faire la pêche. "Ces îles, situées au 27.e degré, jouissent d'une température douce; c'est pourquoi tes montagnes et les vallées produisent toute sorte de légumes et de grains, du froment, du seigle, du menu riz, &c. On y trouve cet arbre que les Chinois nomment bois noir a mortiers, et les Japonais, Nasiki faze. On y récolte encore de la cire, et, de plus, la pêche et la chasse y sont très-abondantes, et d'un grand rapport." L'auteur de la description entre dans le détail des différentes espèces d'arbres et d'animaux qu'on trouve dans ces îles. Parmi les premiers, il nommé le Kian-mou ou arbre dur; c'est, dit-il, le plus précieux; un autre arbre très-élevé, dont le nom japonais m'est inconnu; l'areca; le roucouyer, le louan blanc, le katsiyasi, le santal, le camphrier, un grand arbre à feuilles luisantes et comme vernissées, et une infinité d'autres. Il passe ensuite en revue les principales plantes, les oiseaux et les poissons qui y sont en abondance, et dont je crois superflu de rechercher en ce moment la synonymie. Les Japonais prétendent avoir depuis long-temps connu ces îles; mais il semble qu'ils les ont quelquefois confondues avec les Mariannes, particulièrement quand ils disent qu'il y a deux cents ans, un Italien, Megaraniyous [Magellan], les découvrit en même temps que le Nouveau-Monde; ils ajoutent que, sur les cartes des Hollandais, elles sont nommées Ou-sou-to ye-rard' ce qui signifie la Grande terre. Pour eux, ils les avoient nommées Sioo tatson sima, ou les petites îles du Parasol; mais c'est à la troisième année Yan-phao, c'est-à-dire, à l'an 1675, comme le dit Kaempfer, qu'ils font remonter, sinon la découverte des îles, au moins la fondation des établîssemens qui les ont peuplées. C'est aussi à cette époque qu'on peut croire qu'ils ont commencé à les bien connoître et à les distinguer des autres terres situées au midi du Japon. Ce fût alors qu'on leur donna le nom qu'elles portent encore, quoiqu'il ait depuis long-temps cessé de leur convenir, celui d'Iles inhabitées. L'au- |
téur que j'ai suivi raconte qu'un marchand de la province de Fitsen, faisant voile de la pointe d'Idsou sur un vaisseau chinois, toucha par hasard à ces îles, et que les jugeant propres à dédommager par leur rapport des frais qu'il faudroit faire pour s'y établir, il y revint ensuite avec trente hommes, et muni d'une patente, ou, pour mieux dire, d'un sceau qui lui en garantissoit la propriété. La seule difficulté qu'on trouve, en s'y rendant d'Idsou, consiste dans un courant très-rapide, qui va de l'est à l'ouest, et change de direction dans certaines saisons. Ce courant, situé au nord de Fatsisio, entre cette île et celle de Mikoura, est nommé Kourosigawa, ou le Courant Noir. Les colons qui se sont établis dans les îles Bo-nin, s'y livrent à la pêche, à la culture des terres et à la récolte des substances médicinales et des bois précieux qui y croissent. Le Gouvernement japonais n'en a pas pris, formellement possession, et les limites de l'empire sont encore à Fatsisio. Néanmoins, il est assez probable qu'il ne verroit pas sans ombrage des Européens y former un établissement. Des personnes mieux instruites pourront juger si la situation de ces îles, dans le voisinage d'un royaume fermé au commerce, peut leur donner quelque importance. Dans tous les cas, j'ai pensé que la notice précédente pouvoit offrir quelque intérêt aux géographes. La population de ces îles, à une époque si rapprochée de nous, est d'ailleurs un fait peu important par lui-même, à la vérité, mais de la nature de ceux qui doivent éclairer la grande question de la population de l'Océanique et du Nouveau-Monde.
J. P. ABEL-RéMUSAT.
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Jean-Pierre Abel-Rémusat
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Source:Jean-Pierre Abel-Rémusat.
Last updated by Tom Tyler, Denver, CO, USA, Dec 1 2021.
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